La planète

 

ALAIN LIPIETZ
CANDIDAT DES VERTS AUX PRESIDENTIELLES DE 2002

C'est parti  !

C'est parti, et cette fois c'est pour de bon ! Il ne s'agit plus seulement de dénoncer les crimes du productivisme et du libéralisme. Il s'agit de proposer des solutions. Candidat choisi par Les Verts à la Présidence de la République, à l'issue d'un débat d'une grande tenue, où tous (et notamment Noël) ont su faire preuve de camaraderie et de hauteur de vue, je serai bientôt rejoint par des centaines de candidats Verts à l'Assemblée nationale. Nous n'y allons pas pour témoigner. Nous y allons pour assumer nos responsabilités. Pour que demain, la Planète nous dise "merci".

Depuis des décennies, les écologistes sonnaient le tocsin. Dès avant la crise du pétrole, ils dénonçaient les ravages d'une civilisation productiviste qui détruisait la nature, menaçait la Terre, condamnait à la famine une Afrique "mal partie"…La crise est venue. Mais au lieu de l'affronter en se serrant les coudes, l'humanité (notre pays en particulier) s'est vue imposer la solution la plus ravageuse : le libéralisme économique, la règle de "sauve qui peut, et que le plus fort gagne !"
Pourtant, René Dumont nous avait avertis, dès sa fameuse candidature de 1974. Si le rapport de l'humanité à la nature est mauvais, c'est que les rapports entre les humains sont déjà mauvais. Et d'abord le rapport entre les hommes et les femmes. Il enracinait ainsi l'écologie politique naissante, en France, dans le terreau où elle pourrait s'épanouir : du côté de la solidarité, de l'égalité entre les sexes, de la lutte pour la Paix, pour un ordre économique et politique mondial fondé sur la démocratie, le respect et les échanges équitables.
Sur ce terreau est né, en 1984, le Parti Vert. Il connut une première heure de gloire à la fin des années quatre-vingt, grâce aux échecs de la gauche. Mais, placé sous les feux des projecteurs, le mouvement écologiste se déchira. Nous ne devons pas oublier cette leçon. Réduite à un champ de ruines, l'écologie politique française a su pourtant se retrouver, redevenue incontournable pour tout projet de transformation social dans notre pays.

Ah ! Cet hiver 1996-1997, où notre peuple, démoralisé par le chômage, la déchirure sociale, désespéré par l'horreur économique, le spectre de la fin du travail, la morgue de Chirac et de Juppé, sut pourtant se révolter contre la loi Debré contre les immigrés, comme il avait su faire bloc contre le plan Juppé. C'est dans cette atmosphère d'espoir ténu que fut rédigé l'accord Verts - PS. Et le miracle s'est accompli : la "majorité plurielle" l'emporta. Une verte entrait au gouvernement, soutenue par une poignée de député(e)s à l'Assemblée nationale. Et, devant l'Europe incrédule, l'audace sembla d'abord revenue en France. L'arrêt de Superphénix, du canal Rhin - Rhône, les 35 heures, la PACS, la loi sur la Parité… En deux ans, une rafale de réformes a fait renaître l'optimisme, et, avec lui, un sain espoir revendicatif : "pourquoi s'arrêter en chemin".

Oui, pourquoi  Si j'ai rappelé ces années si chargées d'efforts, d'espoirs et de déception, c'est que je suis fier de ce que nous avons accompli. Mais je mesure tout autant combien nous sommes loin de ce que la situation exige  ! Il faut toujours se souvenir d'où l'on vient, avant de se lancer dans une nouvelle étape.
Cette nouvelle étape, ce n'est pas notre seule ambition qui nous y appelle. C'est l'urgence des crises qui montent, c'est l'appel de nos concitoyen(ne)s. Les résultats des élections européennes, des municipales, des cantonales, sont à chaque fois plus clairs : sans l'électorat vert, il n'y a pas de majorité en France pour transformer la société ! Malgré tous les compromis qu'ont dû assumer celles et ceux d'entre nous entrés dans le loft des institutions, la clameur ne cesse de monter : "allez Les Verts ! Qu'est ce que vous attendez ?" Comme si nous étions investis d'une mission impossible : incarner, réaliser l'espérance  !

Fabuleux crédit, écrasante responsabilité. Cette fois, nous ne pouvons plus reculer, nous réfugier dans nos légendaires chamailleries. Aux citoyen(ne)s nous répondons : nous avons l'expérience, nous avons plus que l'amorce des solutions, nous avons l'enthousiasme. Qu'est ce que nous attendons ? Vos voix. Et pas seulement vos voix. Votre mobilisation, sur le terrain, dans les associations, dans les universités, sur votre lieu de travail, chez les commerçants, chez vous, au volant, dans votre assiette. Rien se ne fera sans vous. Mais comptez sur nous.

D'abord pour sauver la planète. Il reste quelques années pour affronter la crise de l'effet de serre. Et attention  ! sans laisser des déchets nucléaires à gérer pour des millénaires. Quelques années pour ratifier, dans nos modes de consommation et de production, un nouveau pacte avec la nature et les générations futures. Cela passe par une révolution des transports, de l'habitat.
Et puis, en finir avec le chômage. Offrir à chacun et un revenu pour vivre, et la reconnaissance de soi même et des autres à travers sa contribution au bien commun. Cela passe par une nouvelle étape du partage du travail et des richesses (les 32 heures), et la mise en place d'un secteur d'économie sociale et solidaire, au service de la communauté, et non guidé par le profit.

Et puis encore l'extension de la citoyenneté, aux immigrés outrageusement traités, aux femmes discriminées et refoulées dans la sphère domestique, cela passe par des réformes juridiques, certes (la proportionnelle, le refus du cumul des mandats), mais surtout par des moyens concrets de participer à la vie publique. Et d'abord par une éducation à la citoyenneté, au delà de la formation à un métier.

Et puis encore la marche vers les États-Unis d'Europe, à travers une Constitution fédérale, sur les ruines du calamiteux traité de Nice. Et, demain, vers la République universelle, prenant en charge les déshérités de la Terre. Car si nous oublions le Sud, la Planète nous sautera à la figure. La Mondialisation, elle est là depuis des siècles. Ce que nous refusons, c'est d'en faire un terrain de chasse au bonheur des multinationales. Il nous faut des règles communes, mondiales, pour protéger notre petite planète et tous ses habitants.

Dans quelques mois, nous présenterons cette immense ambition aux électrices et aux électeurs. Elle est exigeante. Mais il ne s'agit pas seulement de convaincre en jouant sur des peurs bien réelles. Il nous faudra persuader, en gagnant les cœurs. Oui, nous proposons un monde plus sûr, parce que plus solidaire, plus responsable, plus convivial. Plus heureux.